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Pierre-Paul Battesti

 

Vit à Calcatoggio

 

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Né en 1957 au Canada à Montréal

 

 

 

Autres articles :

Ta Nehi

Jonone

 

 

- Fermez les yeux et pensez à une image de votre enfance : que voyez-vous ?

Une image olfactive : j'ai été marquée après chaque retour en bateau, en regagnant les hauteurs de Bastia vitres ouvertes,  par l'enivrant parfum du maquis, si puissant dans l'humidité du soir et tellement reconnaissable.

 

- Est-ce que cette image a une place dans votre

parcours créatif, si oui laquelle ?

Cette image, c'est celle de l'appartenance à une terre

et le besoin dans mes premiers travaux d'en témoigner

par le biais de collections de dessins, de tentatives

d'épuisement de lieux, de sculptures qui traitent du

paysage et de la force que les éléments naturels

exercent sur lui. Des pièces bâties à partir de mon

expérience du paysage et influencées par des

ouvrages de poésie, d'esthétique ou de littérature

d'auteurs étrangers ou corses comme

Jean Claude Rogliano dont le Mal Concilio a laissé

son empreinte dans plusieurs de mes travaux.

 

- Comment vivez-vous votre insularité ?

Ouverte sur le monde.

Je la conçois comme un point de repère, une identité, une chance mais aussi un danger, celui de l'exclusion géographique et du renfermement. C'est pourquoi je l'envisage comme des allers-retours qui me ramènent en toujours en Corse avec des projets, et des projets qui m'emmènent de l'autre côté de la Méditerranée ou de l'Atlantique.

 

- Quelle est votre actualité ?

J'ai remporté cette année le Prix d'Art Contemporain Campos Clinicae (Espagne). La pièce primée fait écho à des projets de sculptures-installations antérieurs réalisés entre 2006 et 2010 tels que Paysage parcouru, Paysage enroulé, ou #72 qui traitent les notions de mémoire, souvenir, paysage et déplacement. À cette nouvelle pièce intitulée J'habiterai mon nom d'après Exil de Saint John Perse, s'ajoute une réflexion sur la vaste notion qu'est celle de l'exil, l'attachement et l'arrachement à une terre, et la tentative de s'enraciner dans le déracinement.

Au printemps j'ai inauguré une exposition individuelle de sculpture-installation et pièce sonore au Musée de la Mémoire Vivante au Canada, qui se poursuit jusqu'à l'automne.

Cet hiver, la Galerie Gurriarán à Madrid a accueilli un grand ensemble de pièces pour une exposition individuelle.  Intitulée Éloge de la folie d'après le Discours d'Érasme, la large série de sculptures a été conçue à partir de la réappropriation et modification d'éléments inspirés des peintures de Jérôme Bosch et de la persistance de formes architecturales dans mon travail. Cette série croise également les travaux de deux scientifiques allemands de la fin du XIX ème siècle : le biologiste Ernst Haeckel et le botaniste Karl Blossfeldt.

C'est à présent à l'Espace d'Art Contemporain Orenga de Gaffory à Patrimonio que je viens d'inaugurer une exposition avec le cinéaste Guillermo G. Peydró. Intitulée Cinéma/ Sculpture : Possibilités de dialogue,  j'expose pour la première fois ensemble de grandes sculptures accompagnées d'une sculpture hybride fruit de la rencontre des précédentes et présentées en dialogue avec une pièce d'Art Vidéo imaginée pour l'exposition par le cinéaste. Sa pièce, influencée par le territoire du film essai, de la structure du Nouveau Roman, est en rupture avec ce qu'il a réalisé jusqu'ici. Son œuvre se présente comme une tentative de penser le cinéma comme sculpteur en construisant mon portrait expérimental sous forme de paysages, textures, matériaux, couleurs, rythmes et sons savamment agencés où l'impalpable et éphémère lumière de la projection se présente en regard de la matière souple, incisive, opaque ou translucide de mes sculptures et le flux d'images en mouvement est proposé en regard du statisme de l'objet.

De nouveaux projets d'expositions individuels et collectifs se profilent dans des institutions en Corse, sur le continent et en Espagne. Pour commencer, je vais prochainement investir les espaces de la nouvelle Bibliothèque Universitaire de Corte.

 

- Quelle est votre évolution, vers quelle direction vont vos recherches artistiques ?

Après avoir obtenu mon diplôme à l'Ensad de Paris en 2009 j'ai effectué une résidence d'artiste au Canada grace aux Pépinières Européennes pour Jeunes Artistes. L'expérience ayant été très concluante j'ai décidé pendant plusieurs années de développer mon travail dans le contexte de résidences d'artistes à l'étranger qui m'offraient des conditions de travail uniques et variées. La plupart du temps j'ai bénéficié d'une bourse, de la production des pièces, d'une exposition et de la diffusion du travail.

Cela m'a permis d'expérimenter, de me renouveler constamment, en somme d'ouvrir de nombreuses pistes de recherches, de réaliser peu de pièces, mais de grandes dimensions sans me soucier du marché. Les pièces alors produites m'offrent aujourd'hui un large éventail de possibilités où puiser, afin de repenser, réactiver, continuer de développer mon travail. Chaque pièce peut potentiellement donner lieu à une série, ou de chacune, peuvent dériver de nouvelles créations.

Au départ je procédais à l'épuisement de lieux, je tentais de contrer l'effacement progressif de la mémoire en réalisant de nombreuses collections de dessins, et par le biais de la sculpture de matérialiser l'impalpable, ou encore de réaliser des portions de fiction de mémoire.

Peu à peu ce travail a laissé place à la mémoire des gestes infligés aux matériaux, à un intérêt marqué pour la puissance des éléments naturels et de leur impact dans le paysage retraduits par la force dans l'acte de sculpter et le détournement des matériaux, brisés, accumulés et assemblés. Cela a donné corps à des sculptures énergiques à la fois attractives et inspirant le danger, autant que statiques et suggérant avec force le mouvement.

À partir de 2012 mes sculptures ont commencé à s'enrichir de formes architecturales, et à associer le minéral et l'organique, tout en  continuant de puiser dans l'histoire de l'art, la poésie et les sciences.

Les matériaux et les médiums continuent de se diversifier en fonction de mes projets et des collaborations commencent.

 

- Enfin un mot sur le monde actuel de l'art et les difficultés qu'il rencontre, qu'en pensez-vous, quels remèdes préconiseriez-vous ?

Il semblerait que les liens entre l'art, la culture et l'économie soient repensés progressivement envisageant des partenariats entre public et privé. Ces initiatives permettraient d'imaginer de nouveaux équilibres économiques tout en conservant la fonction essentielle de la culture.

Crise ou pas, mis à part une poignée d'artistes, la majorité ne vit pas du fruit de son travail, mais à cela, il n'y a rien de nouveau. Ce qui a évolué c'est le développement exponentiel d'internet et des réseaux devenus d'incontournables outils de communication, de promotion du travail, facilitant les contacts professionnels. Cela débouche parfois sur des projets d'exposition ou de collaboration sur des projets très intéressants mais très rarement rémunérés et s'il n'y a pas d'investissement donc pas de pertes financières, l'artiste gagne toujours en visibilité. C'est un travail qui se construit sur du long terme et duquel il ne faut pas s'attendre à des rémunérations immédiates.

Pour ce qui me concerne je travaille en dehors de la réalité du marché de l'art, je ne conçois pas mes pièces en terme de stratégie mais poussée par une nécessité intérieure qui me conduit à ouvrir la multitude de possibilités qui se présente à moi (matériaux, lieux, contextes, rencontres au sens large) avec pour objectif de produire de la singularité en bâtissant une trajectoire cohérente. Il s'agit de donner de la visibilité à mon travail afin d'être progressivement remarquée par les acteurs du monde de l'art. Pour ce qui est des revenus il faut continuer à faire preuve d'imagination et d'initiatives.

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